24 octobre 2023
Au premier abord, Le répondeur, l’œuvre écrite par Dédé Fortin, peut sembler comme une simple chanson mélancolique parmi tant d’autres, mais lorsque les thèmes abordés sont particulièrement étudiés, il est clair que celle-ci ouvre la porte pour une discussion plus approfondie. Ainsi, une problématique sinistre ressort de ce poème ; vu le contexte derrière la mort de l’auteur, est-ce que les problèmes de santé mentale chez les artistes populaires sont pris au sérieux? Pour pouvoir formuler une hypothèse, il faut bien sûr se poser d’autres questions, comme; Est ce que cette chanson peut être perçue comme un appel à l’aide lancer par l’auteur? Comment l’artiste aborde-t-il la dépression saisonnière dans cette œuvre musicale? Comment la culture de l’idolâtrie affecte-t-elle les artistes? Évidemment, les dernières chansons de Dédé Fortin étaient très accablantes, mais comme avec plusieurs artistes avant et après lui, le public ne s’est jamais vraiment questionné sur la vérité derrière ses écrits, jusqu’à ce qu’il soit trop tard.
Le contexte derrière Le Repondeur et l’album Dehors Novembre
En effet, lors de la création de l’album Dehors Novembre, qui abrite Le Répondeur, le public ne s’est pas vraiment poser de questions sur le choc et la tristesse que l’artiste était en train de vivre après la mort de son grand ami, Patrick Esposito, ou l’impact du vote du référendum chez l’artiste. Au contraire, le public en voulait plus. Simultanément, Mike Sawasksy, le bassiste du groupe, dévoile dans une entrevue pour le magazine Voir, que la maison de disques sous laquelle se trouvait Les Colocs, pressait considérablement le groupe pour sortir un troisième album avant la fin de 1998. Par conséquent, Dédé Fortin, qui était considéré comme le cœur du groupe, se retrouvait donc avec un poids immense sur les épaules, surtout après le succès mondial de ses albums précédents. Dans la même entrevue, Jimmy Bourgoing, qui assistait à la réalisation de l’album Dehors Novembre, note que Dédé était souvent seul et isolé lorsqu’il écrivait les textes troublants pour les chansons de l’album, « Des fois, il me montrait des brouillons, et je pouvais pas m’empêcher de lui demander comment il allait […] » rapporte l’ancien batteur du groupe. Il est important de noter que la plupart des chansons écrites par l’auteur aborde les thèmes de la tristesse, de la dépression et de la souffrance, par contre, souvent, une mélodie enjouée et des métaphores farfelues en suive, probablement dans le but de dissimuler les émotions vraies et accablantes derrière ces textes. En revanche, dans Le Répondeur, le compositeur laisse tomber toutes les façades et s’ouvre, c’est une des rares œuvres où il est complètement à fleur de peau. Un message clair est donc lancé, Dédé Fortin est malheureux.
La dépression saisonnière en quelques paroles
Par ailleurs, les multiples références de tristesse hivernale dans cette œuvre nous laissent supposer que l’artiste souffrait peut-être de dépression saisonnière. Le refrain aborde brièvement l'hiver et le froid, mais ce sont les vers de la chanson qui nous ramènent constamment sur le thème de l’hiver. La connotation négative que l’artiste rapporte à l'hiver est illustrée dès les premières paroles de la
chanson, lorsque Dédé Fortin écrit; « Malgré l'hiver qui fait son smate, Si y'a un soleil y brille pas fort, J'aime la lumière c'est un peu plate ». « Smate » , « y’er même pas sûr de lui », « peureux », ce sont des caractéristiques que l’artiste utilise à travers le texte pour décrire l’hiver, avant de finir le dernier vers avec une dose d’espoir crédité au soleil. Cependant, malgré toutes les preuves mentionnées, qui prouvent que la dépression saisonnière est un sujet majeur dans la chanson Le Répondeur, la mention la plus flagrante de la dépression se trouve dans cet extrait « Si j'ai pas l'goût d'aller vous voir, Vous autres qui dansez comme le feu, Ç'pas parce que j'aime pas vos histoires, Ch't'un peu jaloux de vous voir heureux » où l’artiste utilise le feu, donc le contraire du froid, pour décrire la joie des gens heureux et qui ,dans le même couplet, se distance littéralement et figurativement des gens heureux. Il utilise alors les mots « vous autres» , pour mettre une emphase sur le fait qu’il ne s'inclut pas dans cette définition de «gens heureux». Il est assez clair, lorsque nous portons attention aux œuvres d’André Fortin, que le défunt chanteur laisse des traces de sa dépression un peu partout dans ses écrits, mais spécifiquement et, plus brusquement, dans l’œuvre étudiée.
La profondeur des malheureux artistes
Heureusement, au fil des années, nous avons commencé à parler des problèmes de santé mentale pour se débarrasser du tabou qui entourait la santé mentale, cependant, les artistes d’aujourd’hui n’ont pas encore la chance de s’exprimer pleinement et authentiquement sur celle-ci. Que ce soit à cause de blogues, magazines et journaux qui publient quotidiennement leurs vies et leurs traumas sans considération pour ces stars reconnues mondialement, ou à cause de fans qui violent sans cesse leurs droits à une vie privée, les vedettes populaires sont constamment déshumanisées dans la culture d’aujourd’hui. Il est évident, que dorénavant, c’est impossible pour un artiste de créer une œuvre qui marque l’histoire sans la menace d’être idolâtré par des millions, avec aucune possibilité de s’échapper. Conséquemment, ces artistes reconnus sont fréquemment isolés dans un monde qui les censure, qui les humilient ou qui cherchent à changer leurs image, leurs valeurs et leurs apparence pour vendre plus de produits avec leurs noms. D’autant plus, un lien entre la toxicité de l’idolâtrie et la mort de Dédé Fortin est tristement créé par une mention alarmante dans le rapport d’investigation du suicide de Dédé Fortin, qui révèle que le jour de sa mort, l’ex-membre des Colocs confie a une psychologue que le poids de sa célébrité contribue a ses démons intérieurs. Une réalité amère que plusieurs révolutionnaires de l’art ont, malheureusement, vécus.
Pour conclure, il est important de souligner que l’art et la santé mentale peuvent avoir plusieurs définitions différentes pour plusieurs personnes, mais la triste vérité reste la même, les signes clairs de détresse psychologique sont souvent pris pour acquis, surtout chez les artistes populaires que nous considérons comme «surhumain». La célébrité d’André Fortin, icône québécois, ne le gardait malheureusement pas à l'abri de la maladie mentale, elle était, au contraire, coupable de camoufler celle-ci. Notamment, Le Répondeur est une œuvre sérieusement troublante et glorieuse puisqu’elle souligne candidement, une maladie mentale que plus de 12% des québécois ont eu au cours de leur vie, selon les statistiques du gouvernement du Québec. Sans aucun doute, cette chanson à la possibilité d’ouvrir la porte pour une discussion franche sur la dépression, une que tous les québécois devraient avoir avec leurs proches. En revanche, ce n’est pas la seule œuvre de l'artiste qui traite du sujet du mal, de la mort, de la solitude, de la peine, mais pour une raison quelconque, le peuple québécois n’a jamais pris le temps de, collectivement, se questionner sur les épreuves
psychologiques que surmontaient l’artiste, à l’époque. Pour conclure ce projet d’étude, Le Répondeur restera, ainsi, ancré dans la mémoire des québécois qui supportent l'artiste. Cette œuvre profonde et sincère nous transporte dans l’univers sombre et froid de l’artiste, et elle le fait avec une délicatesse mélancolique et hors du commun.
SOURCES :
https://voir.ca/musique/2018/11/09/il-y-a-20-ans-les-colocs-dehors-novembre/
http://ecrituresetpauvrete.evenement.usherbrooke.ca/communic_LED.html
Krystine Blais est une rédactrice de contenu indépendante qui étudie actuellement en cinéma où elle se spécialise dans l'écriture de scénarios à Montréal. Ses domaines d'intérêt tournent autour de la santé mentale, de la société et de l'art.
Dans ses temps libres, Krystine aime lire, regarder des films et passer du temps avec ses chats !
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